TDAH chez la femme : ce que j’aurais aimé savoir dans mon enfance…

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Photo : additudemag.com

Enfant, je n’étais pas déplaisante ou vraiment tannante. Je ne crois pas que mes professeurs se souviennent de moi et je n’ai jamais eu de retenue ou été convoqué dans le bureau du directeur. Je n’étais pas particulièrement une bolle, mais je n’ai jamais échoué. Bref, à première vue, on n’avait pas besoin de s’occuper de moi, je semblais suivre le groupe…

Et pourtant!

J’étais totalement absente d’esprit; j’étais, comme on dit, dans la lune! Et pas rien qu’un peu…

Moon de Greg Wilson

Tout ce qui peut se perdre, je l’ai perdu : oublier de débarquer de l’autobus, oublier mon sac d’école, perdre mes bottes, mes mitaines, mon parapluie, mon argent de poche… Mais je n’étais pas tannante. Je n’écoutais pas vraiment ce qui se passait en avant de la classe, trop occupée à m’inventer des histoires dans ma tête.

Dans les années 80, si tu n’étais pas tannant, on n’avait aucune raison de s’occuper de toi. Tu ne dérangeais pas, c’était parfait.

Historiquement, le TDAH décrivait le comportement ingérable des garçons hyperactifs. […] De fait, les femmes atteintes de TDAH vivaient comme des réfugiées. […] Trop différentes pour être mesurées à l’aune de la société, mais pas assez pour qu’une explication neurologique puisse les soulager, les femmes atteintes de TDAH ont dû attribuer leur différence à leurs pires craintes. Rejetées et incomprises, beaucoup ont intériorisé les critiques les plus sévères.

– Sari Solden et Michelle Frank, autrices Le TDAH au féminin

Sauf que j’ai grandi avec un sentiment d’échec : ne jamais réussir à ne rien oublier, à ne pas me tromper de destination, ou d’heure pour un rendez-vous important que j’étais pourtant certaine d’avoir noté… quelque part. Perdre le fil d’une conversation, re-re-perdre mon sac d’école, chercher mes clés… Et je ne parle pas des mots de passe! On ne me confiait pas de tâche importante, parce que de toute façon, j’allais l’oublier…

Sage comme une image !

J’ai trop souvent vécu des montagnes russes d’émotions, parce que j’avais toujours cette anxiété d’échouer dans le tapis. J’ai toujours détesté les jeux de société, parce que j’ai peur de ne pas être capable de suivre!

De l’adolescence jusqu’à… aujourd’hui, je me suis rebellé contre l’autorité, les règlements, les injustices, etc. J’avais une colère bien ancrée, sans pouvoir nécessairement l’expliquer. Je pose toujours des questions, je veux des réponses tout de suite, je fuis les temps morts, je cours après les défis, mais ensuite, j’ai peur d’échouer…

Bref, je ne suis pas trop facile à suivre.

Environ 70 % des adultes atteints de TDAH souffrent également de dysrégulation émotionnelle, ce qui peut rendre plus difficile le contrôle des réponses émotionnelles.

– Alex Conner et James Brown, TDAH chez l’adulte, difficile diagnostic

Malgré quelques embûches, j’ai réussi mes études universitaires, j’ai réussi à avoir des enfants (et ils sont toujours en vie, merci!), et je m’en fais beaucoup moins quand mes clés restent dans ma serrure de maison ou que j’égare un mauzus de papier à retourner à l’école… et mes amies ne m’en veulent plus quand j’oublie leur date de fête.

J’ai la grande qualité d’être un puits sans fond d’anecdotes cocasses lors d’un souper de filles!

Je suis devenue une reine de l’organisation, de la structure, du plan de match. Si je voulais arriver à survivre, je ne devais absolument rien laisser au hasard. C’est vraiment facile élever des enfants quand tu ne peux supporter l’imprévu… (vous comprenez le sarcasme). L’horreur.

J’ai toujours mené mon quotidien à 100 mille à l’heure et je NE SAIS PAS comment ralentir.


J’ai eu envie de comprendre

À l’aube de mes 40 ans, j’ai contacté une neuropsychologue. Je lui ai demandé de m’évaluer. Je voulais laisser entrer quelqu’un dans mon cerveau, sans barrière, sans appréhension. Je trouvais que j’avais accumulé beaucoup (trop?) de questions.

J’ai d’abord eu un entretien de 60 minutes avec elle, dans lequel elle m’a questionné sur toutes les sphères de ma vie; personnelle, professionnelle, affective, familiale, amicale.

Ensuite, je l’ai rencontré pour passer trois heures de test aussi différents les uns que les autres. Reproduire un dessin, placer des cubes selon un modèle, encercler des chiffres, faire des opérations mathématiques mentalement, définir des mots, calculer les sons graves parmi des sons aigus, retenir une suite de lettres pendant que je calcule. Bref, trois heures qui ont passé à une vitesse incroyable.

TDAH.

C’est écrit noir sur blanc sur mon rapport de 4 pages. J’ai un trouble de l’attention sévère. J’ai réussi dans la vie parce que mon cerveau hyperactif a comblé mes manques. Quoi? Mon intelligence? Voyons, je ne réussis pas facilement dans rien.

Mon anxiété? Développé probablement en conséquence de mon TDAH. Ma structure de béton? Ma façon de survivre. Mon impulsivité qui m’a si souvent mis dans le trouble? La dérégulation des émotions.

Il semblerait que j’ai passé mon temps à répondre aux questions de la neuropsychologue tout en regardant les reflets qui bougeaient dans le plexiglass entre elle et moi. Oui, c’est vraiment écrit dans le rapport.


Et maintenant?

Qu’est-ce que ça change de savoir ça, maintenant?

Ma vie aurait certes été différente si, dans mon enfance, on m’avait pris par la main pour me sortir de la lune, pour m’expliquer ce que j’avais de différent. Sauf qu’on ne peut pas vivre en imaginant des hypothèses. J’ai par contre maintenant des outils pour m’orienter dans ma façon de me comprendre. Et ça ne fait que commencer.

Je dépose ici des lectures qui m’ont beaucoup aidée, si jamais vous aussi vous êtes passées sous le radar à l’enfance :

4 traits du TDAH chez l’adulte – Contact (ulaval.ca)

Le TDAH au féminin : un univers méconnu | (lecollectif.ca)

Même trouble, symptômes différents – La Presse+

TDAH chez l’adulte, un difficile diagnostic

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