« Tu viens d’où ? »

0
858
Diversité

Tu viens d’où?

De Saint-Hubert.

(Silence gêné…)

Euhh… Je voulais dire, c’est quoi tes origines?

Ahhhh… ok.

C’est souvent la même histoire. Tant de maladresse, de sous-entendus. Tant de chassés-croisés de mots pour mettre le doigt sur mon métissage.

D’où je viens? Je suis née au Québec, sur la Rive-Sud de Montréal. Je dis des «tsé», des «bin voyons don’», des «c’est pas le y’iable».

J’ai passé une partie de mon enfance à cueillir des bleuets à Saint-Robert, près de Sorel-Tracy. Au jour de l’An, on dansait des rigodons et on entonnait des chansons à répondre chez mes grands-parents maternels.

J’ai aussi grandi en essayant de déchiffrer ce que mon père disait à ma tante en Créole. J’ai grandi en fréquentant les fameux salons de coiffure haïtiens, où la musique traditionnelle du pays enterrait le bruit des séchoirs.

Je suis Blanche et je suis Noire.

Ma peau est couleur café.

Mes cheveux sont tantôt frisés tantôt lisses.

Mes lèvres sont pulpeuses, Mais mon accent est québécois.

Oui, je suis habituée qu’on me regarde d’un air dubitatif. Je suis habituée qu’on me pose des questions sur mes cheveux, sur ma peau, sur mes origines.

Parce que peu importe où je suis, je ne suis pas vraiment «à ma place». Il n’existe pas de pays métis. Je suis un point d’interrogation partout dans le monde, même dans mon propre pays, le produit d’une mère de Sorel et d’un père de Port-au-Prince:

Je suis ni l’un ni l’autre, et je suis les deux en même temps.

DiversitéAlors comment trouve-t-on sa place?

On la trouve en se forgeant une identité propre à soi, tout en honorant ses origines.

On la trouve en se demandant si on doit cocher oui ou non lorsqu’on nous demande si on est une minorité visible. Sacrés questionnaires…

On la trouve en mangeant de la tourtière accompagnée d’un riz aux haricots rouges typiquement haïtien.

On la trouve en allant à l’église à Noël tout en croyant au vaudou haïtien.

Tu viens d’où?

Je sourcille chaque fois qu’on me pose cette question.

N’allez pas croire que je n’apprécie pas votre curiosité, votre désir de connaître mon histoire, mais en demandant «tu viens d’où», c’est comme assumer que je ne suis pas d’ici.

Je suis d’ici et fière de l’être. Mais, j’ai des origines haïtiennes et je suis fière de les avoir.

Je ne vois pas le monde en blanc ni en noir. Je suis une zone grise, ou plutôt une zone couleur Mocha. Mes parents étaient avant-gardistes. Ils ont formé une union à une époque où le multiculturalisme ne courait pas les rues.

Ainsi, au lieu de me demander «tu viens d’où?», demande-moi quelles sont mes origines:

Je vais avoir des tas d’histoires à te raconter sur mes parents et sur l’alliance de deux incroyables cultures…

Ce texte t’a touché?
En voici un autre qui devrait te plaire: Vivre avec un homme de couleur