Pourquoi faire du théâtre alors que des bombes pleuvent sur la Syrie? Quelle est son utilité? C’est ce que se demandent d’entrée de jeu les acteurs de la nouvelle pièce 8, présentée à la Cinquième salle de la Place des Arts jusqu’au 28 janvier.
Jouée et écrite par Mani Soleymanlou, 8 met en scène des acteurs bien établis au théâtre, mais que l’on connait aussi grâce à la télévision : Julie Le Breton (Les beaux malaises), Éric Bruneau (Mensonges), Emmanuel Schwartz (Tartuffe), Guillaume Cyr (L’imposteur), Geneviève Schmidt (Unité 9), Jean-Moïse Martin (Lâcher prise) et Kathleen Fortin (Au secours de Béatrice).
Mais l’œuvre n’est pas que le produit d’un seul homme: tous les acteurs ont contribué à l’écriture et Mani Soleymanlou lui a donné sa structure.
Oubliez les conventions
Ici, oubliez les conventions traditionnelles du théâtre. La pièce est un mélange entre fiction et réalité. Les acteurs portent leur propre nom et jouent leur propre rôle.
Ici, pas de quatrième mur : les acteurs se présentent sur scène, un à côté de l’autre, et parlent au public.
Quel genre de pièce cette fois pourrait-on bien écrire?
…se demandent les acteurs, car 8 est la fin d’une trilogie qui succède à Ils étaient quatre et Cinq à sept, et reprend les acteurs des pièces précédentes. Si dans les deux autres cas, il était question d’un party, les acteurs sont formels cette fois-ci. Pas question de répéter la même chose.
Le spectateur assiste donc au brainstorm de la pièce:
- Jean-Moïse Martin désire écrire un procès afin d’être juge et de pouvoir porter une perruque, lui qui est chauve;
- Geneviève Schmidt désire écrire sur sa vie de comédienne, elle qui est malheureuse et guette la dépression;
- les autres prêchent pour une pièce qui nous pousse à réfléchir sur quelque chose, mais ce quelque chose est difficile à cerner…
Bref, beaucoup d’idées surviennent pour finalement en venir à s’exclamer:
« Fuck off, on fait le party! »
Entre humour et politique
Ils dansent au rythme de la musique, tout en conversant ensemble, toujours face au public. C’est la soirée du 8 novembre, soirée électorale aux États-Unis. À quelques reprises, la musique s’arrête et l’on commente avec horreur les États virer au rouge.
Trump, Clinton, Poutine, la CAQ, Sophie Durocher : personne n’échappe aux critiques acerbes.
Mention spéciale à Kathleen Fortin qui, silencieuse au début de la piège, s’enrage soudainement, avec une vigueur que l’on ne s’attendait pas. Elle s’enrage contre les travaux à Montréal, énumérant chaque rue, chaque boulevard, chaque pont fermés ou en construction.
Qui fourrer, marier ou tuer entre Trump, Poutine et Couillard?
« Quel enfant rêve de devenir un critique? », demande un Soleymanlou qui écorche le métier, sachant très bien que plusieurs se trouvaient dans la salle lors de cette première.
Puis le party s’arrête.
Retour à la case départ.
Le party, ce n’était pas une si bonne idée.
Pas que du divertissement
8 n’est pas qu’une œuvre de divertissement : elle nous pousse à réfléchir sur le rôle du théâtre, sur notre rôle en tant que citoyen dans la société. Mais elle est aussi franchement drôle.
C’est pour ces raisons que 8 est une pièce qui mérite d’être vue par un large public