Il est 20h30 et j’attends, quelque peu nerveuse, l’arrivée d’un danseur nu au sommet de son art. Andrew m’a donné rendez-vous au 281, son environnement de travail depuis une vingtaine d’années.
Son bureau, son « 9 à 5 ».
Sauf que pendant sa journée au boulot, il n’a pas de conversations sur la météo autour d’une machine à café, tout simplement, parce qu’il n’y en a pas. Ses conversations se font sur la scène. Il parle aux femmes à travers ses mouvements, son sourire, son regard… et son corps.
Un minimum de mots pour un maximum de… sensations!
Un métier qu’il n’a pas toujours maîtrisé aussi bien qu’aujourd’hui…
«Je me rappelle la première fois, elle n’était pas grosse sur la scène! Je me disais : “mon Dieu, elle est la même taille que mon pouce”», a lancé en riant le danseur de 46 ans, qui m’a accueillie, torse nu.
«Cette fois-là, je m’étais présenté avec une paire de jeans délavée et les filles devaient les déchirer sur la scène. C’était vraiment gênant, mais ça a passé assez vite.»
«Je ne sais pas combien de temps ça prend, mais une fois que tu as la confiance, tout va bien. Maintenant, quand je monte sur la scène, je ne suis plus stressé. Je me sens en confiance, et je sais ce que j’ai à faire. Je connais l’art de la scène.»
Plus qu’une histoire de fesses
Andrew est devenu, au fil des années, une véritable bête de scène. Il est le visage du 281. Sa popularité charnelle n’est plus à faire.
De son propre aveu, il se fait reconnaître partout où il va; dans les centres commerciaux, dans la rue, quand il accompagne son fils à l’école. Ici et là, il entend des «Hey Andrew!».
«J’ai beaucoup étudié la psychologie et lu sur les femmes. Quand j’ai commencé ici, je ne savais pas danser et je n’avais aucune confiance en moi. Je ne connaissais rien à ce travail», a avoué le danseur de 6 pieds 2 pouces.
«Je lisais des Châtelaine, des Clin d’Oeil, bref, toutes les revues pour femmes! J’étais insécure. Je jouais à l’indépendant parce que je n’avais pas confiance en moi, mais aussi parce que je savais que c’était ce que je devais faire.»
Un boss en tenue d’Adam
Les années ont passé et maintenant, Andrew n’est plus seulement danseur au 281, il est aussi gérant.
Il compose avec une équipe de jeunes adonis lubrifiés qui doivent épater les femmes, trois soirs par semaine.
Et développer des danseurs qui vont cadrer avec le club n’est pas chose facile.
«Les gars en bonne forme physique, ce n’est pas trop dur à trouver. Ce qui est difficile, c’est d’en dénicher un qui a une personnalité. Quelqu’un qui dégage le sexe », soutient celui qui se fait appeler «Le vétéran».
«Tu peux être le plus beau gars au monde, mais si tu ne sais pas quoi faire sur la scène, ça ne fonctionnera pas.»
En forme, dit-il?
Après avoir été présentée à une poignée de jeunes danseurs peu vêtus, je n’ai pu que constater leur silhouette parfaitement sculptée. Ils affichent en moyenne moins de 10% de gras!
Des corps de dieux grecs, c’est bien, mais il en faut plus pour que ces étalons deviennent de véritables bijoux dans cette grande famille de danseurs.
«Pour moi, c’est logique. Tu arrives sur la scène et tu fais une pose au milieu. Sinon, tu fais le tour et tu regardes toutes les filles dans les yeux pour créer un contact. Je leur dis de pratiquer leurs expressions devant le miroir. Trouve ton plus beau sourire », explique Andrew, la passion dans les yeux.
«Il y a des gars qui dansent comme des fous. Finalement, ils sortent de la scène et ça applaudit juste un peu. Moi, j’embarque sur la scène, je ne bouge presque pas et les femmes réagissent aussitôt. Il faut juste qu’ils sachent créer une connexion avec les filles.»
Papa le jour, danseur nu le soir
Lorsqu’Andrew quitte le célèbre club de la rue Sainte-Catherine, sa vie change du tout au tout. Exit les spectacles en bas de la ceinture! Andrew redevient André Lafrance, de son vrai nom. Il consacre son temps et son énergie à son garçon de 11 ans, à sa blonde et à ses nombreux autres projets.
«J’ai une relation au-dessus de toutes mes attentes avec ma blonde. Je n’en ai jamais vécu une comme celle-ci dans ma vie », avoue Andrew, le regard pétillant.
«Elle me fait tellement confiance et je ne ferai jamais rien pour prendre avantage sur elle. Quand elle a des interrogations, je la ramène à la base. Où est-ce que tu t’en vas avec ça? Qu’est-ce qui te dérange? Souvent, c’est l’égo qui gâche tout. C’est lorsqu’on se demande ce que les gens vont penser que ça dégénère.»
Le regard des autres…
Le regard des autres peut être admirateur dans l’antre du 281, mais hostile une fois les portes du club franchies.
Une réalité qu’il n’a pas toujours acceptée. Une réalité qui ne semble pas énormément changer au cours des années.
«Ma vie, avant, quand je n’étais pas confiant ni heureux, était basée sur le regard des autres. Maintenant, je me fous des gens qui prennent le temps de me juger. Un gars dans la rue peut me dire que je suis un cave, je lui réponds en faisant un clin d’œil. Avant, je réglais ça avec mes poings.»
Sa façon de voir les choses a grandement évolué et c’est cette nouvelle philosophie de vie qu’il veut inculquer à son fils. C’est pourquoi il désire être ouvert avec lui au sujet de son travail.
Andrew ne peut d’ailleurs s’empêcher de raconter plusieurs histoires sur son fils qui, de toute évidence, se retrouve au centre de sa vie.
«Je sens qu’en ce moment, j’ai une vie A1. Je me sens privilégié», a-t-il laissé tomber dans un souffle.
Une pièce secrète dévoilée!
Vous êtes probablement déjà allées faire un tour au 281 pour célébrer votre anniversaire, pour un enterrement de vie de jeune fille ou tout simplement pour votre bon plaisir.
Mais que se passe-t-il derrière les portes closes? Andrew m’a fait découvrir ce qui se cache derrière le fameux rideau rouge…
Au sous-sol se trouve son bureau, là où il planifie l’horaire de la soirée et de la semaine. Au fond d’un corridor étroit, le plafond devient de plus en plus bas. Il me montre nonchalamment une pièce avec des décors, puis, affichant un sourire amusé, il me parle d’un endroit secret.
Comme un gamin qui découvre un nouveau jouet, Andrew me guide vers une petite pièce aux murs de brique. D’emblée, je ne vois rien d’autre qu’une salle humide. Puis, je me retourne.
C’est alors que je vois une montagne de vaisselles cassées empilées près d’un mur. Je n’en crois pas mes yeux!
«C’est ici qu’on vient pour évacuer notre stress avant une performance ou simplement lorsqu’on en a besoin, m’a-t-il expliqué. On porte des lunettes de sécurité et on lance une assiette contre le mur!»
Ça doit, de toute évidence, défouler! Depuis quand cette pièce existe-t-elle?
«Depuis TRÈS longtemps!»
À propos du Club 281…
- Ouvert du jeudi au samedi à partir de 20h
- Faites place aux auditions les jeudis, dès 23h
- Adresse: 94, rue Sainte-Catherine Est – Montréal
- (514) 871-2281